Joëlle Seif
Maya Maalouf Kanaan. M de Noir, du chocolat au goût du Liban
Sélectionnée au Salon du Chocolat de Paris parmi les 25 Meilleurs des Meilleurs chocolatiers du monde, tel est le nouvel exploit réalisé par Maya Maalouf Kanaan
de M de Noir.
Elle a fait son chemin «la petite Libanaise», tel qu’on la surnomme au Salon du Chocolat de Paris, auquel elle participe régulièrement depuis 2011 et où elle vient d’être sélectionnée parmi les 25 Meilleurs des meilleurs chocolatiers du monde. «Je viens du Liban».
Ce sont les premiers mots qu’elle prononce lorsqu’elle monte sur scène pour recevoir son titre et qui la remplissent de fierté. Maya Kanaan figure également dans l’édition 2020 du guide des Croqueurs de chocolat sous le titre «l’ambassadrice du Liban». A Magazine, elle confie: «C’est le plus beau titre que l’on puisse me donner».
Un parcours atypique. Le parcours de Maya Maalouf Kanaan est atypique. Son aventure dans le monde du chocolat, débutée en 2011, est née d’une passion. Après des études de Marketing et un MBA obtenu aux Etats-Unis, elle a enseigné pendant plus de 11 ans cette matière à la LAU (Lebanese Amercian University). «En 2010, je me suis dit que la vie est trop courte pour ne pas suivre sa passion. J’ai décidé de tout quitter pour suivre des formations en pâtisseries et confiseries avant d’opter pour le chocolat».
En France, Maya Kanaan s’inscrit à l’école Ritz-Escoffier puis à Valrhona à Tain l’Hermitage, au sud de Lyon, où elle suit des cours intensifs sur le chocolat. Ensuite, elle passe une année en Italie, où elle apprend la fabrication de la glace à Bologne. «Depuis, je suis des formations en continu pour rester à jour, surtout que je viens d’un background très différent».
La passion pour la cuisine n’est pas nouvelle pour la créatrice de M de Noir. «Déjà à 17 ans, je voulais suivre cette voie. J’ai toujours aimé la cuisine et la pâtisserie mais à ce moment-là, ce n’était pas encore à la mode et mon père avait refusé. Les chefs cuisiniers n’étaient pas encore aussi célèbres et médiatisés qu’aujourd’hui, où ils sont devenus de grandes stars».
De retour au Liban, Maya Kanaan se lance dans la création de sa marque. Sa formation en marketing lui est très utile. M pour son prénom Maya et noir en référence au chocolat et voilà que M de Noir voit le jour. «A Noël, j’ai fait des truffes, du chocolat, de la glace que j’ai distribués aux amis et aux connaissances qui ont beaucoup aimé. J’ai alors ouvert un atelier-boutique, où toute la fabrication du chocolat se fait devant les yeux des clients. C’est une manière de leur montrer les produits de base utilisés et la propreté des lieux. Rien n’est caché. Tout est exposé».
Une femme dans un milieu d’hommes. Elle est invitée à l’édition 2012 du Salon du Chocolat en tant qu’«Espoir du chocolat». Avec le cèdre du Liban décorant son stand, M de Noir rencontre un franc succès auprès du public. L’année suivante, c’est en tant qu’exposante que Maya Kanaan participe au Salon du Chocolat. «A cette occasion, j’ai introduit les saveurs du Liban. Je voulais que le public découvre le pays à travers mes créations et qu’il voyage au Liban à travers ce petit bout de chocolat. J’ai lancé des parfums libanais typiques tels que le sésame-thym qui rappelle la traditionnelle man’ouché, la menthe, le loukoum à la rose, l’amareddine. C’est ce qui m’a valu en 2014, le prix de L’espoir du Chocolat, alors que je n’étais même pas au courant qu’il y avait une compétition». Maya Kanaan continue son chemin, et en 2019 c’est la consécration lorsque M de Noir est sélectionné parmi les 25 «Meilleurs des meilleurs» chocolats au monde. Cette année, elle a été choisie par la Grande Epicerie de Paris pour vendre ses chocolats. «C’est vraiment un exploit. Nous étions en concurrence avec les plus grands chocolatiers du monde».
Maya Kanaan est la seule femme dans ce milieu d’hommes. «Ce que j’aime le plus c’est l’interaction avec le public, surtout avec les Libanais de la diaspora. Lorsqu’ils voient le chocolat en forme de cèdre du Liban, leurs visages s’éclairent». Ce qui fait la différence chez Maya Kanaan? «La passion» répond-elle. «Je suis un être passionné. Tout ce que je fais, je le fais avec passion. Sans passion on ne peut pas réussir». Le secret de son succès? «La qualité des produits utilisés et la créativité. Je suis sortie du concept de la boîte de chocolat traditionnelle en créant des saveurs originales comme le chocolat au cèdre, à la man’ouché et d’autres. C’est cela qui a fait le succès de M de Noir».
Nombreuses difficultés. Pourtant les difficultés rencontrées par la créatrice de M de Noir sont nombreuses. «C’est un marché très étroit, qui n’est pas habitué au chocolat frais, non emballé. En outre, les véritables connaisseurs sont très rares. De plus, nous ne recevons aucun support de la part de l’Etat. L’économie est au plus mal et on n’encourage pas l’industrie artisanale. Le seul support que j’ai reçu est celui de mon mari, de ma famille, de mes amis et tous ceux qui ont cru en moi depuis le début de cette aventure».
Aujourd’hui, M de Noir compte deux revendeurs en France et cherche à développer ce réseau. «Nous essayons d’ouvrir à Washington et au Canada mais il faut que la situation se calme pour pouvoir faire des projets d’avenir. Les événements actuels nous ont porté un très grand préjudice surtout que le chiffre d’affaires réalisé au cours des deux derniers mois de l’année couvre les dépenses de 5 mois». Son conseil? «Ne jamais estimer qu’il est trop tard pour faire ce que l’on aime et suivre sa passion. L’âge n’a aucune importance».